Les spécificités de l'enseignement martial

Publié le par jerome dussottier


LES  SPÉCIFICITÉS
de
L'ENSEIGNEMENT  MARTIAL

Enseignant une Voie, les Maîtres modernes ont considéré les arts martiaux comme un moyen, et non une fin, afin d’atteindre un état d’esprit supérieur. De fait, de nombreux éléments religieux et culturels se greffant à la pratique, les séances d’entraînement se ritualisèrent, se codifièrent. La grande différence entre les arts martiaux et les pratiques martiales d’Occident (boxes, luttes, escrimes), c’est que ces dernières en sont restées au niveau d’une activité physique, utilitariste, sans lien avec un quelconque avec une spiritualité (opposition occidentale du corps et de l’esprit). Pour marquer cette spiritualité, les anciens Maîtres instaurèrent de nombreux aspects imposant implicitement au pratiquant une coupure par rapport à sa vie quotidienne, marquant ainsi l’universalité (en tous lieux et en tous pays) et l’intemporalité (à toutes les époques) de la Voie. Ces aspects immuables sont essentiellement le Dojang, le Dobok, l’Etiquette et la Moralité Martiale.

Dojang – le Lieu de la Voie (도장)

Le Dojang est pragmatiquement, pour un Occidental, la salle d’entraînement. Pour un Coréen, c’est basiquement la même chose (surtout pour les plus jeunes des pratiquants) mais c’est aussi un lieu social, un lieu de méditation et un lieu sacré, tient beaucoup plus du temple que de la salle d’armes.

Contrairement à la France, les Dojang restent généralement ouverts du matin au soir en Corée

Gukki - le drapeau

 

Photo de Maître

 

Placement des élèves

Gŭpdan – le Système de Progression (급단, 級段)

Dobok – l’Uniforme (도복, 道服)

Le Dobok est l’uniforme des pratiquants. Il a une forme inspirée des Keikô-gi japonais. L’uniformité permet de gommer les différences entre les pratiquants (pas de signe d’une appartenance a une classe sociale, a un courant politique ou a une religion).

 

Auparavant, c’étaient une chasuble blanche, un pantalon blanc, des chaussettes blanches, des sandales lacées sur la cheville.

 

a) Sang’ŭi - la Veste (상의, 上衣) et Haŭi – le Pantalon (하의, 下衣)

 

Actuellement blanc avec des liserés noirs aux manches, aux cols et au bas du pantalon.

 

La veste est généralement piquée afin d’être plus résistante aux saisies et au tirage

 

Pas de signe distinctif sauf le blason de l’école sur la poitrine gauche

 

et le terme Hapkido dans le dos

 

b) Ti - les Ceintures ()

Les ceintures servent non seulement à maintenir la veste fermée, c’est aussi un moyen d’indiquer l’état d’avancement de l’étudiant jusqu’au 1er Dan. Ceintures de couleur = rite de passage

 

Traditionnellement, ceinture blanche, jaune, vert, bleu, rouge

 

Puis ceinture noire. Le changement de Dan ne voit pas la couleur de la ceinture changer : toujours noire


Ye - l’Etiquette (, )

L’étiquette, c’est le respect l’un envers l’autre, un signe de reconnaissance mutuelle. Cela implique de la courtoisie et la connaissance des bonnes manières. Le comportement social est régi par un code donnant des droits et des devoirs à chacun selon sa position, marquant une culture commune et l’appartenance à un groupe. Manquer à l’étiquette peut être vu au mieux comme l’ignorance des convenances, et donc l’exclusion du groupe ; au pire, si l’étiquette est connue de celui qui ne s’y conforme pas, cela peut être vu comme une insulte grave.

 

La Hiérarchie

L’étiquette coréenne est basée sur la hiérarchie sociale confucéenne rigide, entre supérieurs et subordonnées, entre vieux et jeunes, entre parents et enfants, entre hommes et femmes.

 

Au sein du Dojang, chacun porte un titre selon sa position hiérarchique.

Saluts

 

Mudŏk - la Vertu Martiale (무덕)

La Vertu en Corée, et plus particulièrement en Hapkido, est imprégnée des enseignements des trois grands courants que sont le Confucianisme, le Bouddhisme et le Taoïsme. De manière caricaturale, quand il s’agit d’honorer ses parents ou d’être dévoué à son pays, il s’agit des instructions de Gongja (Aka : Confucius) ; quand il s’agit d’agir sans intention et conformément à la Nature, c’est l’enseignement de Noja (Aka : Lao-Tseu) ; et quand il est dit de n’être pas violent et de faire le bien autour de soi, ce sont les paroles de Bouddha.

a) Hyŏ - la Piété Filiale 

Les parents et les aînés doivent tout faire pour votre éducation et en retour, vous devez leur en être plein de gratitude. Aussi convient-il de les respecter et de leur obéir. Sans piété filiale, il n’y a plus de transmission entre les générations et l’on perd l’expérience acquise.

b) Shin - la Confiance (, ) et Chung - la Loyauté (, )

C’est l’aptitude à dire toujours la vérité et à tenir les promesses, pas seulement envers ses amis mais envers tout le monde et, surtout, envers soi-même. Sans confiance, on est considéré comme un menteur et une personne sur qui il ne faut pas compter. Dans le même ordre d’esprit, la loyauté est la garantie qu’on ne sera pas trahi et qu’on ne trahira pas.

c) Ji - la Sagesse (, )

C’est l’aptitude à distinguer le vrai du faux et à agir avec justesse, c’est à dire avec efficacité et efficience

d) Ŭi - la Droiture (, )

L’aptitude à conserver son honneur et sa dignité en agissant avec sincérité et conformément à la Justice. A contrario, ne pas agir avec droiture apporte honte et blâme, non seulement sur soi mais aussi sur tous ses proches. En conséquence, il convient de toujours dire la vérité. En outre, il faut avoir le désir d’accomplir ce qui est juste, quelle que soit la difficulté, aussi petit soit le résultat de cette action.

e) In - l’Humanité (, )

C’est l’aptitude à ressentir de la tristesse pour les malheurs d’autrui (empathie) et de les aimer avec équanimité.

 

 la Relation Maître - Elève

Partant de ce qui a été dit ci-dessus et de son histoire, on se rend compte que le Hapkido est tiraillé entre plusieurs tendances : c’est un Musul avec une fonction utilitariste très fortement mise en avant (auto-défense, utilisation par les Forces de l’Ordre), un Muye du fait de sa grande diversité technique et un Mudo (développement personnel). En réalité, la personnalité du Hapkido est fonction de chaque enseignant et du type d’élèves. C’est pourquoi il existe tant de tendances et d’écoles. Il n’existe donc pas un maître type, mais plusieurs types d’enseignants ; ni un élève type mais plusieurs types d’élèves. Cependant, nous pouvons tirer quelques grandes lignes les concernant.


L’Elève

Quelque soit son rang, même devenu Maître à son tour, on reste toute sa vie un élève. Pour ce chapitre, nous limiterons le terme « élève » aux Yugŭpja (유급자, 友級者, porteurs de ceintures de couleur).

 

a) l’Elève et le Maître

L’élève, pris au début de sa formation, est considéré comme un enfant par le Maître. En conséquence, il ne lui sera demandé de n’être qu’obéissant. Trop jeune dans la pratique, il n’est pas considéré comme ayant sufisamment de maturité pour pouvoir apporter sa propre réflexion. Il doit apprendre ce qu’on lui enseigne, au rythme imposé par le Maître.

 

Aussi, un élève peut se sentir frustré car ce qu’il apprend peut ne pas correspondre à ses attentes : ou bien la progression n’est pas assez rapide, ou bien les techniques ne lui semblent pas assez réalistes, ou bien c’est trop ceci et pas assez cela. N’ayant pas le droit à la parole sur la manière d’enseigner, il doit aussi parfois répondre

 
L’autre travers, contraire au précédent, est l’idéalisation du Maître, sa mise sur un pied d’estale. Nombre d’élèves peuvent ainsi montrer des signes de dépendance qu Maître proches de

 

b) L’Elève avec les autres Elèves

Même entre les élèves, il existe des relations complexes qu’il convient de connaître. Ces relations, lorsqu’elles sont mal connues, peuvent être sources de malentendus. La distinction entre élèves est fonction de l’ancienneté, de l’âge, de l’avancement et du sexe.

 

La première distinction entre élèves est l’ancienneté. En effet, dans la culture coréenne, il est important de distinguer celui qui a débuté avant l’autre car c’est celui qui a accumulé le plus d’expériences dans une école, un style ou une société donnée. On parlera donc de :

 

Sŏnbae (선배, 先輩) : c’est celui qui est arrivé avant. En conséquence, le respect lui est dû dans la mesure où celui-ci est une sorte de parrain. Il doit partager ses connaissances et donner nombre de conseils utiles à ses Hubae.

 

Hubae (후배, 後輩) : c’est celui qui est arrivé après. Respectueux, il doit suivre les conseils de son aîné.

 

Ensuite, d’une manière générale, les Coréens considèrent l’âge prépondérant sur les qualités. En conséquence, un jeune élève, même s’il est plus avancé en grade qu’un autre élève plus âgé, aura tendance à écouter ce que ce dernier pourra lui dire au regard de sa plus grande expérience acquise a l’extérieur du Dojang.

 

L’avancement dans les grades vient après.

 

Sexe fort, sexe faible

Différents cas peuvent alors se présenter en fonction de ce qui a été détaillé ci-dessus. Si vous êtes un homme âgé, avancé en grade et avec une longue pratique, vous êtes clairement en position plus élevée. Si, par contre, vous êtes une jeune femme débutante avec le grade de ceinture blanche, vous êtes clairement dans la position la plus faible. Mais entre ces deux extrêmes se trouvent quantités de situations où la position des interlocuteurs est incertaine. Le mieux en cas de doute est de garder une attitude humble et respectueuse.

 

Toutes ces considérations hiérarchiques sont toujours vraies en ce qui concerne les Yudanja.


Le Maître

Dans ce qui va suivre, nous considérons comme Maître celui qui a atteint au moins une certaine maîtrise technique, ce qui inclut de manière certainement un peu abusive tous les Yudanja (유단자, 友段者, ceintures noires) ou qui assument un rôle d’enseignant.

a) Le Maître et ses élèves

Dans la culture coréenne, le Maître n’est pas seulement l’enseignant mais aussi un père. Ce paternalisme possède de bons côtés, comme un intérêt réel du Maître à faire progresser ses élèves. Il enseignera les techniques martiales, évidemment, mais pas seulement : il s’occupera aussi de son éducation scolaire, s’enquérant de ses notes et de son assiduité, ainsi que de son éducation morale. Cela peut sembler un peu inquisiteur mais qui est accepté généralement en Corée. En effet, comme dans beaucoup d’autres domaines, l’éducation est vue de manière holistique, c’est à dire qu’elle aborde tous les domaines de l’éducation, il n’y a pas séparation des fonctions : éducation cognitive, éducation morale, éducation physique, préparation à la vie d’adulte ou autres. L’enseignement du Maître tâche de couvrir tous ces domaines à la fois. Mais cela lui donne aussi un côté tyrannique, absolutiste : dans la mesure où il donne tout, et en particulier sa confiance, il est en attente d’une loyauté absolue de son élève. Il exige de lui assiduité, obéissance, persévérance.

 

De nos jours, en réalité, il ne faut pas se leurrer. Le fait que beaucoup de Maîtres enseignent de manière professionnelle entraîne que ceux-ci cherchent d’abord à faire venir nombre d’élèves. La quantité faisant, la qualité de l’enseignement peut s’en faire ressentir. Il y a alors une sélection qui s’opère afin que la Maître puisse transmettre un enseignement de qualité à un petit nombre de « privilégiés », les autres, moins doués, finissant par stagner puis abandonner, faute d’un suivi personnalisé.

b) Le Maître avec les autres Maîtres

En Hapkido, il existe principalement 3 niveaux qui distinguent le degré d’évolution des Maîtres :

 Gyosa

 Sabŏm

 Gwanjang

 

 l’Emploi Légitime de la Force

Dans certaines circonstances, une personne qui aura commis une infraction dont tous les éléments constitutifs sont réunis ne sera pas répréhensible devant la Loi et ne sera pas pénalement reconnu responsable de cette infraction parce qu’il en avait le droit ou le devoir.

 

L’acte de défense doit être :

 

 Nécessaire : il ne doit y avoir aucun autre moyen en votre possession pour faire face à cette agression.

 

 Simultané : la réaction doit être immédiate par rapport à l’agression. Une infraction commise pour prévenir un futur danger ou pour se venger d’un mal déjà fait ne sera pas justifiée par la légitime défense.

 

 Proportionnée : une réaction disproportionnée ne sera pas prise comme de la légitime défense. On ne peut tuer quelqu’un qui vous a giflé. Ce qui ne signifie pas que l’agresseur ne puisse recevoir une douleur plus grande qu’il n’en a infligé à sa victime.

 

Il est alors couvert de ce que l’on appelle un fait justificatif qui rend l’acte conforme au droit. Il exclut la responsabilité civile. Une fois reconnu après enquête, il entraîne soit un classement sans suite, soit une ordonnance de non-lieu, soit un jugement ou un arrêt de relaxe ou d’acquittement. Il y a quatre faits justificatifs : l’ordre de la Loi ou le commandement de l’autorité légitime, la légitime-défense, l’état de nécessité et le consentement de la victime.

a) l’ordre de la Loi

Il s’agit ici de ce que la Loi ordonne formellement, notamment concernant les Forces de l’Ordre et de ce qu’un supérieur hiérarchique commande régulièrement investi d’une partie de la puissance publique.

Article 122-5 du Code Pénal : « Il n’y a ni crime, ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la Loi et commandés par l’autorité légitime ».

Article 73 du Code de Procédure Pénal : « Dans le cas de crime flagrant ou de flagrant délit puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche »


b) la légitime-défense

Article 122-6 du Code Pénal : « Il n’y a ni crime, ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi ou d’autrui. »

C’est le droit de se défendre ou de défendre autrui contre une agression injuste Cela s’applique aux crimes énoncés ci-dessus mais aussi cela concerne la soustraction d’une arme, la séquestration d’un agresseur ou encore la destruction d’un animal. L’acte d’agression doit être :

 

 Dirigé : contre la personne qui se défend ou autrui, mais également contre un bien. Cet acte doit être menaçant pour la vie et l’intégrité physique.

 

 Actuel : c’est un danger imminent. La légitime défense n’est pas reconnue pour un danger passé ou futur.

 

 Injuste : l’acte d’agression ne doit pas résulter d’une faute commise préalablement par celui qui se réclame de la légitime défense. Cela ne s’applique pas non plus à l’empêchement des Forces de l’Ordre d’accomplir un ordre de la Loi. que dans d’autres pays et il est de ce fait particulièrement apprécié des personnels de sécurité.

 

 


Publié dans hapkido

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